428                           JOURNAL DE HENRI III.
requête que je présentai à M. le lieutenant civil, pour être mené par la ville à mes affaires, à la charge de re­tourner coucher chacun jour à la prison : et par ce moyen je demeurai libre jusques à ce que je sortis de Paris.
Or M. de Mayenne voyant cette entreprise décou­verte , fut au Louvre voir le Roy, il n'avoit été qu'une fois depuis un mois ou six semaines qu'il étoit arrivé de Castillon ; et prenant congé de Sa Majesté, le Roy lui dit ces mots : « Comment, cousin, quittez-« vous le parti de la Ligue ? » Auquel il fit réponse qu'il ne sçavoit que c'étoit : comme lui-même le conta à messieurs de la Ligue, desquels prenant congé, leur promit de voir le duc de Guyse son frere, et lui com­muniquer de leurs affaires ; leur promettant cependant de ne les abandonner point, au cas que le Roy ou autre, quel qu'il fût, s'en voulût fâcher : et pour cet effet, qu'il ne s'éloigneroit pas fort loin d'eux. Dont ils le remercièrent; et ne pouvant faire pis, semèrent force pasquils et autres libelles diffamatoires contre Sa Ma­jesté, desquels ils remplirent Paris, pour de plus en plus le rendre odieux au peuple.
Le duc de Mayenne d'autre côté, qui ne donnoit pas, bâtit une autre entreprise qui tourna à néant, comme les précédentes : à sçavoir à soixante capitaines, tant à lui qu'au cardinal de Guyse son frere, qu'à son départ il laissa et logea au faubourg Saint-Germain, espérant surprendre le Roy à la foire, auquel on devoit donner à dîner pour cet effet en l'Abbaye. Mais Sa Ma­jesté en fut par moi avertie, et ne fut ni à l'Abbaye ni à la foire, mais y envoya le duc d'Espernon, où on lui dressa une querelle d'Alemand qui commença par Ies écoliers : ce que voyant, ledit duc se retira.
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